La Vraie Vie d’Adeline Dieudonné

Le livre

C’est un pavillon qui ressemble à tous ceux du lotissement. Ou presque. Chez eux, il y a quatre chambres. La sienne, celle de son petit frère Gilles, celle des parents, et celle des cadavres. Le père est chasseur de gros gibier. La mère est transparente, amibe craintive, soumise aux humeurs de son mari. Le samedi se passe à jouer dans les carcasses de voitures de la décharge. Jusqu’au jour où un violent accident vient faire bégayer le présent.

Dès lors, Gilles ne rit plus. Elle, avec ses dix ans, voudrait tout annuler, revenir en arrière. Effacer cette vie qui lui apparaît comme le brouillon de l’autre. La vraie. Alors, en guerrière des temps modernes, elle retrousse ses manches et plonge tête la première dans le cru de l’existence. Elle fait diversion, passe entre les coups et conserve l’espoir fou que tout s’arrange un jour.

Mon avis

Note : ✬✬✬✬✩

Avec La vraie vie, on commence tout doucement. On pose le décor, les personnages, la vie de tous les jours. On se laisse bercer. La narratrice, dix ans, et son petit frère Gilles, six, s’entendent à merveille, ne se dispute pas. Il est toujours en train de rire, toujours joyeux.

La forme d’amour la plus pure qui puisse exister. Un amour qui n’attend rien en retour. Un amour indestructible.

Du côté de ses parents en revanche, tout n’est pas aussi rose. Leur père est un chasseur qui en plus de passer son temps à boire devant la télé ou à pleurer en écoutant du Claude François est violent avec leur mère. Tout pour plaire. Cette dernière est d’ailleurs quasi inexistante. Elle vit pour ses chèvres et le jardinage. La narratrice la qualifie elle-même d’amibe rempli de crainte envers son mari. Elle cherche sur les photos de mariage de ses parents quelque chose qui justifie leur union, sans trouver.

Sur les clichés, mon père avait la même attitude que sur ses photos de chasse, la fierté en moins. C’est sur qu’une amibe, ce n’est pas très impressionnant comme trophée. Pas très compliqué à attraper, un verre, un peu d’eau croupie et hop !

On ressent vite de la haine pour le père et de la pitié pour cette femme vide qui passe son temps sous la menace de son mari et qui s’anime pour ses animaux. Le quotidien des enfants est rythmé par les jeux dans la décharge près de leur lotissement où il ne faut pas se faire attraper par le propriétaire, les visites à leur voisine Monica, une vieille dame un peu excentrique, les repas qui ressemblent à une punition. Et surtout, par la venue du marchand de glace tous les soirs, annoncée par La Valse des fleurs de Tchaïkovski. Pour Gilles deux boules vanille-fraise et pour elle chocolat-stracciatella avec de la chantilly. C’est là qu’arrive l’accident. Là que tout change. Là que Gilles ne rit plus. Il se renferme, devient froid et violent. C’est brusque et ça surprend, on ne s’y attend pas. Alors la narratrice se met en tête de remonter le temps, pour redonner le sourire à son petit frère. Elle va voir sa voisine Monica et lui parle de son idée de recréer la DeLorean. 

Oui, je crois que c’est possible. On va en chier des ronds de carotte, ça va être beaucoup de boulot, mais je crois que c’est possible.

Elle lui parle de Marie Curie et l’héroïne passe son temps à se renseigner sur elle et Retour vers le futur. Un an passe, et l’état de son frère ne s’améliore pas. Il se rapproche de son père, des animaux commencent à disparaître dans le quartier… Nous la suivons pendants cinq ans, la voyons évoluer, devenir femme, essuyer des désillusions, vouer une réelle passion pour la physique quantique, garder les enfants de Plume et Champion, ses voisins, pour avoir de l’argent de poche pour pouvoir se payer des cours de sciences physiques en cachète et se lier d’amitié avec son professeur, Monsieur Young, devenir la meilleure de sa classe, mais pas trop, pour que son père ne s’en rende pas compte. Et tout ça pour sauver son frère.

J’ai vraiment bien aimé ce livre, qui pour le coup change de ce que j’ai l’habitude de lire, notamment du point de vue de la narration, puisque on suit cette histoire à travers les yeux d’une petite fille de dix ans, puis jusqu’à ses quinze ans. J’ai apprécié qu’elle ne se positionne pas en victime mais au contraire s’accroche encore et toujours malgré les obstacles sans baisser les bras et ce, malgré son jeune âge. 
La tension monte peu à peu, et les pages se succèdent sans qu’on puisse lâcher le livre. 

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